Record du monde au Brésil avec une EN-C ?

Octobre 2024. Un mois de vacances. Direction le Nord-Est du Brésil, plus précisément Assú, pour une aventure parapente dont l’objectif principal était simple : voler pour le plaisir, sans prendre de risques inutiles. Mais en apprenant que Sebastien Benz et Patrick Meyer avaient récemment déclaré un record du monde « Distance using up to 3 turnpoints » avec un goal à 412km, l’idée s’est rapidement mise dans ma tête : et pourquoi pas moi ? Avec ma voile Ozone Photon EN-C et une bonne expérience du vol en plaine, cela semblait à ma portée.

Les préparatifs : une leçon en accéléré

N’ayant aucune idée de la procédure pour déclarer un record du monde, j’ai contacté Sebi et Pat, qui m’ont expliqué les démarches nécessaires. Il fallait définir un plan de vol avec trois points de passage d’un rayon de 400 m, ainsi qu’un goal, à survoler ou à atteindre. Ce plan devait être validé par un témoin sportif officiel reconnu par la FSVL. Par chance, Valentin Biffiger, lui aussi en voyage au Brésil, a accepté d’être mon témoin.

La veille, j’ai passé un moment de la soirée sur Windy pour analyser les prévisions : direction et force du vent, éléments cruciaux pour planifier la ligne et la longueur de vol. Sur Google Maps, j’ai sélectionné trois petites étendues d’eau, choisies pour leur potentiel de déclenchement thermique. 10 km d’espacement sont requis entre les turnpoints mais il me semble judicieux de les distancer entre 30km et 50km compte tenu du vent.

Cependant, il me manquait les connaissances informatiques nécessaires pour transformer facilement ces points choisis sur Google Maps en un plan de vol utilisable. J’ai dû improviser et utiliser FlyXC, un outil permettant de créer une manche de vol en ajoutant ses propres points. J’ai minutieusement replacé mes repères sur la carte satellite de FlyXC, mais cette étape a été laborieuse. Chaque détail comptait : chaque mètre pouvait faire la différence.

Lors de la création du plan de vol, j’ai défini deux goals différents avec un goal à 394 km afin de déclarer un record mondial féminin, et un goal à 424 km qui était plus ambitieux et visait le record général.

Ces deux goals distincts avaient une double fonction : m’assurer au moins un record même si je ne parvenais pas à atteindre le plus lointain, et maximiser mes chances de succès. J’ai appris après coup que j’aurais pu également déclarer le record féminin sur le même formulaire que celui du général, en rajoutant simplement un « F ».

Le jour J : une lutte contre l’ombre

À 5h30, le réveil sonne pour ma troisième tentative de record. À 6h15, nous arrivons au décollage. Le ciel prometteur laisse vite place à une couverture nuageuse épaisse, et quelques pilotes renoncent à décoller. Mais je connais le Sertão : même sous l’ombre, les thermiques peuvent être au rendez-vous. Formulaire signé par Valentin, matériel prêt, je décolle à 7h20.

6h50, aéroport d’Assú.

7h15, le soleil se fait de plus en plus rare.

Le début du vol est difficile. Le ciel couvert et les rares éclaircies compliquent la lecture des nuages. Une vaste zone d’ombre s’étend devant moi, et je regrette ma ligne de vol. Je vois d’autres pilotes plus au nord profiter de taches de soleil. Seule ici, je prends même quelques gouttes de pluie. Est-ce la fin pour moi ? Tendue mais concentrée, je fais attention à rester bien haute, en enroulant avec soin et patience chaque thermique, poussée par un vent d’environ 25 km/h.

La lutte contre l’ombre.

Vers 10h, le ciel s’ouvre gentiment. Les cumulus apparaissent, et avec eux, l’espoir. Après avoir lutté pendant deux heures, je peux enfin envisager les turnpoints. Une collation rapide – noix de cajou et banane – et je reprends des forces pour la suite. Je ne suis pas sûre de tenter le record, car ma ligne ne vol ne se situe pas sur celle de mes turnpoints suite au combat matinal dans l’ombre. Jusqu’à 13h, je ne monte que trois fois au-dessus de 1500 m. Pour une journée d’octobre dans le Sertão, c’est étonnamment bas. Le vol reste exigeant : chaque thermique doit être exploité avec soin pour maintenir une bonne vitesse. Heureusement, le vent de 25-30km/h est stable, ce qui me permet d’augmenter petit à petit ma vitesse moyenne jusqu’à 44km/h.

Dès 11h, le ciel devient magnifique !

Les turnpoints : une satisfaction immense

À 70 km du premier turnpoint, je décide de tenter le tout pour le tout. En me décalant au nord pour mieux aligner ma trajectoire avec le vent, je prends des lignes parfois complexes, mais les beaux cumulus facilitent ma progression. Premier turnpoint validé en thermiquant ! Quelle satisfaction ! Boostée par cette réussite, je redouble de concentration. Les deux autres turnpoints passent également sans encombre.

Cumulus party !

Mon cockpit

La beauté des lacs du Sertão.

Les goals et l’émotion finale

À 16h30, je franchis le goal pour le record féminin à 394 km. Mais je ne m’arrête pas là. Je poursuis jusqu’au deuxième goal, pour le record général, que je survole à 424 km vers 17h. L’euphorie est totale. Le soleil couchant colore le ciel, et je savoure ces derniers instants d’un vol inoubliable.

Photo souvenir après avoir survolé les deux goals.

La fin du vol magique.

Je pose, un sourire immense aux lèvres, après 441 km et 10 h de vol. À peine 30 minutes plus tard, Marcio, mon ami brésilien, me récupère en voiture. Une journée gravée à jamais dans ma mémoire.

Atterrissage en douceur juste avant un grand plateau.

La longue attente

À la suite de ce vol, j’ai entrepris les démarches nécessaires pour déposer une demande d’homologation auprès de la FAI. Cette procédure peut prendre plusieurs mois avant d’obtenir un retour. À ce jour, le dossier est encore en attente.

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